Vers la fin du modèle Ryanair ?


Décidément les nuages s’amoncellent dans le ciel jusque-là radieux de la compagnie irlandaise. Celle-ci raflait tous les superlatifs en matière de passagers transportés : 106 millions pour l’année 2016, dernier exercice publié, une rentabilité à faire pâlir tous les analystes : 13 % en moyenne au cours des 10 dernières années, un taux de croissance exceptionnel qui a permis de tripler le chiffre d’affaires entre 2007 et 2016. Et le tout sans un incident grave et bien entendu, aucun accident.

D’où vient alors ce doute sur la capacité de la compagnie à poursuivre son modèle d’exploitation ?

Rappelons-en les fondamentaux, car Ryanair n’est pas un « low cost », c’est un super « low cost ».
D’abord, elle n’opère qu’un seul type d’appareil le Boeing 737/800 dont elle détient 400 exemplaires. Elle a commandé 117 Boeing 737 Max. Avec de telles commandes, nul ne doute, même si le secret est bien gardé, qu’elle a obtenu de considérables rabais.

De plus comme sa flotte est très moderne, elle est également très efficace. D’ailleurs pour ce qui est des opérations, tout a été calculé pour que les coûts soient réduits à leur plus simple expression. C’est ainsi que l’emport de carburant est compté juste à la limite des règles de sécurité, dont d’ailleurs il faut dire qu’elles sont strictement respectées, et que les gilets de sauvetage sont placés dans les racks à bagages et non sous les sièges, ce qui facilite le nettoyage de l’appareil et permet des demi-tours plus rapides.

Ensuite la compagnie a fait le choix de desservir uniquement des aéroports secondaires : Beauvais pour Paris, Bergamo pour Milan, Charleroi pour Bruxelles etc…

Cela a deux avantages : d’abord une négociation féroce avec les gestionnaires de ces aéroports qui doivent leur survie au transporteur irlandais lequel peut faire des demi-tours plus rapides sur ces plateformes moins encombrées.

Le chiffre d’affaires est constitué certes des recettes normales passagers, mais également et pour une part non négligeables des fameux « ancillary services » tels que les prestations payantes à bord, mais également les frais d’enregistrement des bagages : 10 € par valise ou les pénalités pour l’édition des cartes d’embarquement aux aéroports : 45 €. Ces recettes annexes comptent pour 20 % dans le chiffre d’affaires.

Rajoutez à cela les compensations marketing réclamées aux aéroports secondaires pour être desservis par la compagnie.

Enfin, et c’est là que le bât blesse, les conditions d’emploi des personnels sont pour le moins à l’avantage de Ryanair. De nombreux livres et articles ont été écrits sur le sujet. Ce n’est pas tant le revenu des employés qui est en cause, il est dans la norme de ce qu’ils peuvent obtenir ailleurs, c’est
plutôt dans le traitement administratif que les sujets de mécontentement abondent.

Tout est en train de changer

Bon, jusque-là, les planètes étaient alignées devant la stratégie de Michael O’Leary l’emblématique CEO qui détient d’ailleurs 3,99 % du capital. Mais tout est en train de changer.

Certains signes précurseurs étaient apparus depuis quelques mois. Les plaintes en justice se sont multipliées quant aux conditions des contrats de travail. Les condamnations ont été prononcées.

Les demandes de soutien marketing de la part des aéroports ont été assimilées à des subventions déguisées susceptibles d’être remboursées. En tout cas, elles ne pourront plus devenir la règle comme par le passé.

Un problème (de) personnel

Et puis la croissance accélérée du transport aérien mondial a créé une pénurie de pilotes et ce aussi bien en Europe qu’en Asie. Les grands transporteurs font les yeux doux à leurs navigants pour ne pas les perdre. Alors, le réservoir de Ryanair attire bien des convoitises d’autant plus que les pilotes de cette compagnie sont réputés pour leurs qualités opérationnelles. Nombre d’entre eux n’aspirent qu’à rejoindre des compagnies plus accommodantes sur le plan social.

La conséquence ne s’est pas fait attendre. Devant les démissions en cascade, Ryanair s’est trouvée dans l’obligation d’annuler plus de 20.000 vols pendant la saison hiver et ce n’est peut-être qu’un début. 700.000 passagers se sont trouvés affectés par cette mesure.

En effet les clients ont pris l’habitude d’acheter leurs billets longtemps à l’avance pour bénéficier des meilleurs tarifs.

En fait Ryanair va devoir faire évoluer son modèle. D’abord, elle devra augmenter le prix moyen de ses billets pour faire face à un renchérissement des coûts obligatoire.

Pour ce faire elle devra aller chercher la clientèle affaires et donc desservir les plus grands aéroports quitte à perdre en souplesse d’exploitation et à devoir payer plus cher les taxes d’atterrissage.

Pour garder ses salariés elle sera obligée de faire d’importantes concessions sur les conditions d’emploi. Enfin elle pourra de moins en moins compter sur les recettes marketing payées par les aéroports car cette contribution sera interdite.

Voilà quelques sérieux soucis pour Michael O’Leary qui sera, au moins pour un temps, amené à ranger ses déclarations pour le moins intempestives à l’égard de ses confrères et des autorités européennes.

Jean-Louis Baroux





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