Transport aérien : Le vrai début de l’hécatombe


Le désastre est annoncé et il pourrait bien se produire dans le transport aérien, lequel est probablement le secteur économique le plus affecté par la pandémie du Codiv 19. D’ores et déjà les premières faillites ou mises en dépôt de bilan ont été dévoilées : South African Airways, Air Mauritius, Virgin Australia, Fly Be, par exemple. Même les grands groupes ont déjà pris de sévères mesures de restrictions. Lufthansa a passé Germanwings à la trappe, Norwegian a déposé le bilan de 5 de ses filiales européennes.

Mais le plus difficile est quand même la montée spectaculaire des licenciements. En fait il semble bien que le personnel devienne la variable d’ajustement la plus pratique pour les sociétés.

Dans certains pays l’impact des mises au chômage aura des effets économiques limités pour les salariés qui seront touchés, c’est le cas en France en particulier, mais cela ne guérira pas le traumatisme des personnes sorties du circuit économique pour un temps inconnu. Et les suppressions de postes deviennent massives : 3 000 à Lufthansa, 5 000 et 6 900 temporaires à Air Canada et West Jet, 4 000 temporaires chez Easyjet et tout de même 12 000 suppressions annoncées par British Airways dans les 4 prochaines années, sur un total de 42 000 salariés, alors que même SAS a annoncé 5 000 licenciements.

Et ce n’est qu’un début. Le transport aérien est à l’arrêt depuis 3 mois et la reprise sera beaucoup plus longue que prévue. C’est tout au moins ce qu’annoncent les experts. Sauf que personne ne connait la réaction des clients lorsque les opérations pourront reprendre.

Les gouvernements ont la main sur l’ouverture des espaces aériens et sans cette dernière les compagnies seront condamnées au trafic domestique, lequel est très minoritaire sauf dans les très grands pays que sont les USA, la Chine, le Brésil, la Russie ou bien l’Inde. Mais pendant ce temps, les charges continuent à courir.

On estime à 30 % les coûts fixes d’une compagnie aérienne, une fois sortis les frais de personnel. En face, aucune recette. Il faut soit piocher dans les réserves, mais celles-ci sont faibles car depuis des années la rentabilité du transport aérien est inférieure à 5 % du chiffre d’affaires, soit emprunter pour passer la phase de crise. Toutes les compagnies ne pourront pas traverser cette période.

Qui va s’en sortir ? D’abord les transporteurs soutenus pas leurs Etats, à la condition que ces derniers en aient la capacité. En Europe, on peut facilement imaginer que les gouvernements ne laisseront pas tomber leurs grands groupes nationaux.

Les aides prendront des formes différentes : emprunts garantis, comme c’est le cas pour Air France/KLM, ou participation directe des états comme cela semble être envisagé pour Lufthansa, sauf que ce n’est pas du goût du groupe allemand.

Les compagnies américaines ont obtenu près de 60 milliards de dollars d’aide de la part de l’Etat Fédéral.

Rappelons pour l’anecdote que ces mêmes grandes compagnies ont porté plainte contre les transporteurs du Golfe accusés d’être trop soutenus pas leurs gouvernements. Notons d’ailleurs que les Emirats soutiendront leurs compagnies autant que ce sera nécessaire et que Singapour a annoncé
une aide de 12 milliards de dollars à Singapore Airlines.

Mais que deviendront les transporteurs africains ou sud-américains ? Dans ces continents les Etats sont trop faibles et suffisamment désargentés pour être en capacité de porter leurs compagnies aériennes à bout de bras. Il faudra alors faire appel aux organismes internationaux : le FMI ou la Banque Mondiale. Sauf que les procédures sont longues et incertaines alors que le danger est imminent.

Même des pays qui semblaient prospères comme l’Algérie ou l’Arabie Saoudite, ne disposeront pas forcément des ressources nécessaires compte tenu de l’effondrement des cours du pétrole.

Alors, il restera les compagnies frugales. Celles qui, depuis des années ont été bien gérées et qui sauront garder la flexibilité nécessaire pour survivre avec des recettes très réduites au moins jusqu’à la fin de l’année.

En France c’est sans doute le cas d’Air Caraïbes, mais qu’arrivera-t-il aux autres ? Il semble que le Gouvernement ne soit pas pressé de leur accorder le même traitement qu’à Air France. Voilà qui est particulièrement dommageable.

Il faudra réinventer une nouvelle manière de gérer le transport aérien, cela coûtera de l’argent et une grande souplesse intellectuelle. Il ne faudra surement pas reproduire le modèle qui a prévalu au cours des 25 dernières années. L’affaire n’est pas gagnée.

Jean-Louis Baroux

Petit complément d’information

Un de mes lecteurs me fait remarquer que le texte d’entrée de ma dernière chronique intitulée : « Transport aérien, le vrai début de l’hécatombe », pouvait prêter à confusion. J’écrivais en effet que certains transporteurs étaient en liquidation ou en dépôt de bilan, et je citais, entre autres, Air Mauritius.
Il est bon d’apporter un complément d’information. En fait Air Mauritius s’est mis sous la protection du Gouvernement qui doit organiser un pool de créanciers afin de coordonner une négociation avec la compagnie. Cela s’apparente beaucoup au Chapter 11 américain qui a été utilisé en son temps par la quasi-totalité des compagnies américaines y compris les plus importantes. Cela leur a permis de se restructurer en profondeur et de retrouver une prospérité jusqu’alors inégalée.

La situation actuelle va certainement conduire nombre de transporteurs à bénéficier d’une telle procédure à condition qu’elle soit autorisée dans leur état d’origine, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas dans nombre de pays européens.
Souhaitons qu’elle entraîne les mêmes effets pour Air Mauritius qui, dois-je le rappeler, reste en opérations.





    19 commentaires pour “Transport aérien : Le vrai début de l’hécatombe

    1. bonjour

      Il est grand temps de sortir du « ciel-ouvert », et de retrouver le chemin de la régulation : en Europe, sur les lignes Transatlantiques et Transcontinentales. Avant la Covid, les revenus des transporteurs furent faméliques……..je m’étonne que personne n’évoque ce sujet. La libéralisation , mère de la surcapacité, est un cancer.

      bien à vous

    2. Excellent article qui résume bien la situation actuelle. Notre secteur étant l’un des plus durablement touché, il est essentiel d’obtenir la prolongation du chômage partiel pour l’aérien dans son ensemble. Maintenant qu’AF est sécurisé avec une aide d’état, il n’est pas garanti que Bercy s’intéresse au sort des autres compagnies Françaises et aux salariés Français des compagnies étrangères. Il est temps de se mobiliser sur ce sujet.

    3. L’article sur le transport aérien demeure incomplet car le cas des low cost n’est pas analysé.
      Ces compagnies ont elles suffise ment solides pour résister a l’épreuve.?
      A mon avis non . Car ce elle qui ont fragilisé ce secteur et l’ont sous-capitalisé.
      Cette crise remettra les pendules a l’heure et permettra aux seules compagnies traditionnelles solides de regagner leurs parts de marchés et surtout de établir la qualité de service que les low cost ont détérioré en popularisant le transport aérien qui a l’origine était un secteur stratégique et politique pour les Etats et un produit de prestige bien sécurisé pour les clients.

    4. Je suis bloquée à La Réunion depuis le 13 mars car pas de vols La Réunion/Chennai.
      Pensez-vous que air austral va reprendre et l’Inde ouvrir ses aéroports ?

    5. Article pertinent.
      Il y avait un surcroît d’offre en siege latent sur la plupart des grands axes, à savoir les lignes dites,millionnaires, même les low cost ne parvenaient plus à tirer leur épingle du jeu tellement les compagnies aériennes traditionnelles legacy s’étaient dûment restructurées et étaient redevenues compétitives…
      Hormis avoir un état souverain pour mettre « la main à l’a poche », la pérennité devenait plus que délicate.
      Votre post au sujet de luftwaffe, oups pardon, je voulais dire THE Airline Lufthansa, je souhaiterais faire un parallèle avec la triste crise des subprime oû les plus grandes agences bancaires avaient fait appel aux prêts étatiques en 2009…qu’elles s’étaient, elles-mêmes, empressées de rembourser…par anticipation pour ne pas voir l’état s’asseoir au Conseil d’Administration…

    6. Bonjour j’ai vraiment apprécié cet article pourriez-vous en écrire un sur ce qui se passe avec les aéroports en Belgique je parle Brussels airport le premier aéroport belge. Brussels south Charleroi airport le deuxième belge et Liège airport premier belge en cargo qui malgré le confinement en Belgique tourne casiment à plein régime et est-ce qu’il y aura des conséquences pour plus tard merci d’avance à vous
      Bien à vous

    7. Bonjour j’ai vraiment apprécié cet article pourriez-vous en écrire un sur ce qui se passe avec les aéroports en Belgique je parle Brussels airport le premier aéroport belge. Brussels south Charleroi airport le deuxième belge et Liège airport premier belge en cargo qui malgré le confinement en Belgique tourne casiment à plein régime et est-ce qu’il y aura des conséquences pour plus tard merci d’avance à vous
      Bien à vous

    8. c’est rigoureusement exact et derrière se profilent les faillites de Boeing et d’Airbus Et comme si ça ne suffisait pas le secteur automobile aussi peut être emporté.L’attitude la CGT à Sandouville fait craindre le pire.La crise démontre que les transports en commun appartiennent au monde ancien. et quil faudra encourager les constructeurs auto sauf à avoir aussi des millions de chomeurs en plus ( mais pas avec des véhicules électriques bidons dont les prix sont exorbitants pour d es performances inférieures et qui n’existent que par commandes publiques ou par aides publiques que l’Etat ne pourra plus se permettre ) On peut aussi penser que nombre de petits commerçants ayant subi les Gilets jaunes;les grèves SNCF puis le Covid 19 ne pourront réouvrir et q ue d’ici la f in de l’année là encore une quantité tres importante de gens cherchent un boulot introuvable.Quand on ajoute que 36 % des français ne veulent pas aller bosser ;on comprend que les gens n’ont pas du tout conscience de ce qui se trame La France future VENEZUELA ? si cher à Mr Melenchon

    9. Oui relativisons ! 7 milliards c’est peu !!!
      Maintenant pouvons nous vraiment nous comparer à l’Allemagne par exemple qui s’en sort toujours mieux que la France ????
      La planche à billets à bien fonctionner en France et tant mieux l’Etat a fait face financièrement en tout cas et pour ça nous avons de la chance ! Mais n’oublions pas qui va devoir rembourser tout ça !!!

    10. Pouvez vous préciser ce que vous entendez par “Émirats”? Émirats Arabes Unis (Air Arabia, FlyDubai, Etihad et Emirates) où bien émirats pétroliers du Golfe (ajouter les compagnies Oman Air, Gulf Air et Qatar Airways à la liste). Merci

    11. Merci pour votre chronique, toujours intéressante. Je retiens le dernier paragraphe.
      Je piaffe d’impatience de pouvoir en parler avec vous. Qu’en pensez-vous ? C’est sans doute le moment inespéré.

    12. Concernant l’aide à AIR FRANCE de 7 milliards € et 3 milliards pour KLM, soit 10 milliards au total pour le groupe Lufthansa ce sera plus de 15.milliards dont 9 pour Lufthansa seule. Pour le Groupe IAG ce sera au global au moins autant que le Groupe Lufthansa. 60 milliards de USD pour les majors Americaines et 12 pour la simple Singapour Airlines. Donc relativisons les 7 milliards de prêt à Air France. Pour Corsair oui à une aide de l’ État a condition que ses actionnaires privés hors le personnel apportent eux aussi leur aide financière a du proportion de leur part du Capital de Corsair. Sinon Corsair disparaitra. Michel

    13. Les gouvernements imposent aux compagnies aériennes des conditions drastiques mais pour quel profit ? Pourraient ils en faire autant avec la finance.
      J’en doute quand on voit comment l’épidémie a été gérée. À moins que cette pandémie soit arrivée au bon moment pour sauver cette finance…

    14. Bonjour,
      Je vous contacte de la part du service de presse d’easyJet et concernant l’éditorial de Jean-Louis Baroux Transport aérien : le vrai début de l’hécatombe.

      Dans le premier paragraphe, il indique que « les suppressions de postes deviennent massives : 3 000 à Lufthansa, 5 000 et 6 900 temporaires à Air Canada et West Jet, 4 000 temporaires chez Easyjet et tout de même 12 000 suppressions annoncées par British Airways dans les 4 prochaines années, sur un total de 42 000 salariés, alors que même SAS a annoncé 5 000 licenciements. »

      Cette affirmation pour easyJet est totalement incorrecte.

      Les 4 000 personnels navigants évoqués bénéficient du furlough scheme du gouvernement britannique, qui est l’équivalent de notre chômage partiel français. En aucun cas il ne s’agit de suppression de postes.
      En vous remerciant d’avance et vous souhaitant une bonne journée,
      Patrick pour easyJet

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