Lufthansa – Annus Horribilis


baroux-1Christoph Frantz a eu le nez creux lorsqu’il a passé les rênes de Lufthansa à Carsten Sphor dans le courant de l’année dernière pour diriger un laboratoire pharmaceutique. Depuis, ce dernier joue de malchance et l’année 2015 a dû lui paraître particulièrement éprouvante.

Où est le bon temps où la compagnie allemande était triomphante, rachetait à qui mieux mieux les transporteurs européens en difficulté : Swiss, Austrian Airlines ou Brussels Airlines pour ne parler que des principaux, pour créer le plus grand groupe européen et le troisième au monde en chiffre d’affaires, le tout sans obérer sa rentabilité ? Rappelons qu’en 2014, le groupe a terminé avec un chiffre d’affaires de 30 milliards d’Euros et un résultat net de 849 millions d’Euros, de quoi rendre jaloux nombre de ses concurrents.

Seulement tout a basculé en 2015.

Certes il y avait déjà eu des alertes l’année précédente. Pour la première fois, à l’étonnement des spécialistes aéronautiques, la compagnie allemande a connu ses premières grèves. Mais enfin, elles n’étaient pas trop virulentes et cela n’a pas empêché le groupe d’engranger un très gros bénéfice. Cette année l’affaire a pris une toute autre ampleur.

On a pu voir ainsi le transporteur allemand plus perturbé par les conflits sociaux que son homologue français. Immense surprise. Et tout le monde s’y est mis : les pilotes bien entendu, mais également les hôtesses et stewards et pour terminer le personnel au sol.

La dernière phase du conflit a conduit Lufthansa à annuler 4 700 vols, excusez du peu ! Et pour sortir de cet engrenage fatal, la direction a été amenée à lâcher du lest ce qui est tout de même peu habituel. Et les concessions sont conséquentes : 2,2 % d’augmentation générale à partir du 01 janvier 2016 et une prime de 2 250 € par salarié et de 600 € pour les stagiaires. L’addition promet d’être douloureuse.

Avec 119.000 salariés, le groupe devra débourser 267 millions d’euros plus le montant dû aux stagiaires. Disons un total de 300 millions rien qu’au titre de 2015.

Et ce n’est pas tout. Pour remonter ses tarifs, ou essayer de faire pression sur les GDS, on ne sait pas trop quelle motivation l’a emporté, la compagnie a pris la malheureuse décision d’appliquer une surcharge de 16 € par réservation effectuée via les GDS. La réaction ne s’est pas fait attendre. Les chiffres sont encore entourés d’un grand flou artistique, mais il est certain que les réservations faites via les GDS ont baissé de manière importante, certaines estimations annoncent 15 % de baisse et il n’est pas certain qu’elles aient été reportées sur le site de la compagnie.

On aurait pu s’attendre à ce que les autres grands transporteurs suivent le mouvement. Il n’en a rien été et ils ont certainement profité d’un report important. Au fond, cette décision a prouvé combien les GDS étaient difficiles à remplacer pour le circuit de distribution. Eux seuls sont capables d’afficher l’offre complète de transport aérien avec les tarifs associés. Et il est certain que ce type d’outil est indispensable aux agents de voyages qui représentent, rappelons-le encore, 70 % du chiffre d’affaires du transport aérien.

Et ce n’est pas tout. Le 25 mars 2015 à 09h41, le vol 9525 Barcelone – Düsseldorf de la Germanwings, filiale à 100 % de Lufthansa s’écrase dans les Alpes françaises dans le plus abominable des scénarios, le co-pilote Andreas Lubitz enfermé seul dans le poste de pilotage, précipite sont avion dans la montagne entraînant la mort de 144 passagers et des 6 membres d’équipage.

Plus que l’accident lui-même qui est déjà en soi ce qui peut arriver de pire à une compagnie aérienne, ce sont les circonstances qui s’avèrent effrayantes. La question reste posée : comment un individu dangereux peut-il être mis aux commandes d’un avion de ligne ? Et bien entendu on ne saurait exonérer l’employeur de ses responsabilités.

Bref, voilà une année que Carsten Sphor aura sans doute hâte d’oublier. Les difficultés qui ont jalonné le parcours de la compagnie en 2015 montrent à l’évidence à quel point le transport aérien est devenu l’enjeu d’une lutte de pouvoir à l’échelle de la planète.

Les transporteurs du Golfe mènent la danse avant sans doute de s’affronter brutalement entre eux. Pour le moment ils bénéficient du support de leurs gouvernements, mais aussi et surtout d’une stratégie pensée de longue date et qui consiste essentiellement à proposer à leur clientèle un produit d’une qualité inégalée jusque-là, le tout à un prix raisonnable.

Les compagnies européennes ne pourront pas lutter avec les mêmes armes, même si elles bénéficient elles aussi du support de leurs gouvernements, tout comme d’ailleurs les transporteurs américains.

Pour poursuivre un développement rentable, elles devront repenser leur produit et leur modèle tarifaire. Baisser les coûts est certes louable, voire indispensable, cela ne sera pas suffisant.

L’imagination doit prendre le pouvoir.

Jean-Louis Baroux





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